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34 tonnes glass eels poached in France annually

Police de l’environnement : «Des trafics qui peuvent rapporter autant que la drogue»

Frédéric Mouchon et Émilie Torgemen
published 06 April 2019 in
Le Parisien
Jean-Michel Zammite, directeur de la police à l’Agence française de la biodiversité (AFB), explique en quoi les missions de ses agents ont considérablement évolué, très loin de l’arrestation du braconnier solitaire.
Les nouveaux policiers de l’environnement traquent la contrebande d’espèces sauvages, de pesticides et de déchets avec les mêmes moyens que pour les trafics de drogue. Jean-Michel Zammite, directeur de la police à l’Agence française de la biodiversité (AFB), raconte ces évolutions.
Un garde champêtre tentant de confondre un braconnier.

C’est toujours ça la police de l’environnement en France ?

JEAN-MICHEL ZAMMITE. La vieille police de l’environnement qui agissait du temps de Raboliot (NDLR : un personnage de roman campant un braconnier en Sologne) ou de Louis de Funès (NDLR : qui jouait un braconnier dans le film de 1958 « Ni vu, ni connu »), ça, c’était avant, quand on contrôlait le prélèvement d’un pêcheur en vérifiant la taille des poissons capturés et le nombre de cannes à pêche qu’il possédait. Aujourd’hui, nous estimons qu’il faut frapper à l’origine du mal. Les inspecteurs de l’environnement s’intéressent donc davantage au démantèlement de trafics d’espèces sauvages, de déchets, de pesticides, d’ivoire ou de bulbes de fleurs. Des trafics qui s’organisent parfois en bande organisée et peuvent rapporter autant que le trafic de drogue.

À quel type de trafic en particulier pensez-vous ?

Celui des civelles par exemple. Alors que la population d’anguilles s’effondre depuis les années 1990, 34 tonnes sont capturées chaque année en France par des braconniers. Ces alevins d’anguilles sont conditionnés dans des bacs oxygénés, transportés en camion à travers les Pyrénées, revendus à des intermédiaires espagnols puis envoyés par avion en Asie en étant officiellement déclarés comme d’autres espèces. Ils y sont revendus entre 2000 et 3000 € le kilo en Chine, soit aussi cher que le caviar. Interpol estime que la contrebande d’espèces protégées génère 70 milliards de dollars de recettes par an. On n’est donc plus du tout à l’ère du petit braconnier local. Ceux qui s’adonnent à ce commerce illicite utilisent les mêmes techniques que les trafiquants de drogue : sentinelles, mules pour transporter la marchandise, paiements en liquide…

Vos techniques de surveillance ont-elles évolué ?

Nous disposons de cinq à six inspecteurs de l’environnement par département. Ils sont armés mais n’ont pas les mêmes pouvoirs d’enquête que les policiers ou les gendarmes. Ils ne peuvent pas mettre les gens en garde à vue ni sur écoute, et c’est pourquoi nous entretenons des liens étroits avec la police et la gendarmerie. Cela permet, lors de certaines opérations, de procéder à des écoutes téléphoniques ou de demander des filatures. Nous effectuons aussi de la cybersurveillance, en faisant des enquêtes sous pseudo sur Internet afin d’y détecter des trafics ou de nouveaux marchés de contrebande.

Les « crimes » contre l’environnement sont-ils lourdement sanctionnés ?

Il y a une volonté de plus en plus forte des magistrats de sanctionner les atteintes à l’environnement. Et on constate que les condamnations sont de plus en plus lourdes avec des peines d’emprisonnement et de très grosses amendes. Récemment, des braconniers qui faisaient du trafic de tortues ont été condamnés à de la prison ferme et se sont vus confisquer leur véhicule. Pour le trafic en bande organisé de civelles, on peut encourir une peine de prison de sept ans et 750 000 € d’amende.



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